Technique de l’insecte stérile : résultats des premiers lâchers tests de moustiques stériles en 2019 à Duparc
LDans le cadre du projet Technique de l’Insecte Stérile (TIS) conduit par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) à la Réunion, des lâchers test de moustiques tigre mâles stériles ont été effectués en juin, septembre et novembre 2019 dans le quartier de Duparc – Sainte Marie. Encadrés par un arrêté préfectoral, ces lâchers avaient pour objectif de comparer le comportement des mâles stériles à celui des mâles sauvages dans la nature. Le bilan de ces opérations de « marquage-lâcher-recapture » permettra d’affiner la stratégie de la phase TIS 2B du projet, qui a démarré en février 2020.
En 2019, l’IRD a procédé à des lâchers expérimentaux de moustique mâles stériles en vue d’études entomologiques sur le quartier de Duparc – Ste Marie, suite à l’avis du Conseil Départemental de l’Environnement et des risques Sanitaires et technologiques (CODERST). Ces lâchers tests ont été encadrés par un arrêté préfectoral. L’objectif : évaluer la probabilité de survie et de dispersion des moustiques tigre (Aedes albopictus) stérilisés dans un environnement naturel, par rapport aux moustiques sauvages.
Enquête d’opinion et consentement éclairé des habitants
Les lâchers tests ont été précédés d’une campagne d’information, déployée auprès des résidents du secteur du quartier de Duparc : une note d’information et un formulaire de consentement ont été distribués dans 84 foyers de la zone d’étude. L’enquête a révélé une forte adhésion en faveur du dispositif, avec 87 % d’avis favorables exprimés parmi les résidents visités.
Lors d’une réunion publique le 3 juin 2019 où près de 400 riverains et personnels de mairie étaient conviés, le projet TIS, les enjeux, les objectifs, la démarche et les résultats attendus ont été exposés et ce temps d’échange a été l’occasion de répondre aux questions des habitants présents.

Opérations de « marquage-lâcher-recapture »
Trois opérations de « marquages-lâchers-recaptures », particulièrement encadrés par l’ARS, se sont déroulées dans le quartier de Duparc en 2019 : le 15 juin (début de l’hiver austral, lorsque la densité des populations baisse fortement), le 7 septembre (en hiver, période où les conditions sont défavorables aux moustiques) et le 9 novembre (début de l’été austral, lorsque la densité des populations remonte.
Pour comparer le comportement des mâles stériles et mâles sauvages dans la nature, 2 lots de 3000 moustiques ont été relâchés à chaque fois[i]. Après chaque lâcher, une vingtaine de pièges à moustiques a été déployée pendant 2 semaines consécutives dans le quartier, afin de recapturer à la fois les moustiques stériles et sauvages. Ces pièges ont été installés entre 25 et 400m autour du point de lâcher initial. Les moustiques issus de ces recaptures ont ainsi pu être différenciés, afin d’évaluer la proportion de mâles stériles parmi la population totale capturée.
Résultats
Pour chaque lâcher test, le taux de recapture se situe entre 4 et 6,5 % pour les moustiques sauvages marqués et entre 8 et 10 % pour les stériles. Des mâles marqués ont été recapturés jusqu’au dernier jour d’enquête et près de 90 % d’entre eux ont été piégés au cours de la 1ère semaine.
Ce que montrent les premiers résultats :
- la probabilité de survie est équivalente entre mâles stériles et mâles sauvages, quelle que soit la saison de lâchers (de 0,82 à 0,92 pour les stériles, contre 0,86 à 0,97 pour les sauvages)
- les moustiques stériles et les moustiques sauvages se dispersent de façon semblable (de 42 à 79m pour les stériles et de 36 à 64m pour les sauvages)
- Les résultats varient entre les saisons, car le comportement des moustiques dans la nature est modulé par des facteurs extrinsèques (température, humidité).
Louis-Clément Gouagna, entomologiste médical à l’IRD qui coordonne le projet TIS à la Réunion, rappelle que « ces lâchers tests n’avaient pas vocation à réduire la fertilité des moustiques sauvages mais à évaluer les mâles stériles dans la nature. Un lâcher efficace devra comprendre de 5 à 10 fois plus de moustiques mâles que la population existante ». « Ces tests nous ont permis de constater que les mâles stériles ont un comportement et une survie semblable aux mâles sauvages et une distance de dispersion moyenne de 62 mètres (contre 54m chez les sauvages). Ces résultats ont permis d’affiner la stratégie de lâchers mise en œuvre lors de la phase pilote TIS 2B, financée par la Région Réunion dans le cadre du programme FEDER et la Direction Générale de la Santé, qui a démarré en février 2020 ».
Compte-tenu de ces résultats concluants, les prochains lâchers, sous réserve d’autorisation préfectorale, seront conduits au cours des périodes de faible densité de moustique afin d’accentuer le déséquilibre mâle/femelle et augmenter l’efficacité.
Depuis 2009, l’IRD et ses partenaires conduisent un projet de recherche sur la TIS à la Réunion. Cette technique consiste à stériliser par rayonnement des moustiques mâles et à les lâcher en grande quantité dans la nature. Les femelles, fécondées par ces mâles, pondent des œufs qui n’écloront jamais. Utilisée en complément des actions « classiques » de lutte antivectorielle, cette méthode, préventive et non polluante permet de diminuer les populations de moustique et le risque de transmission de la dengue ou du chikungunya. |
Contacts presse :
A la Réunion : Coline Vermandé – coline.vermande@ird.fr
En métropole : Cristelle Duos – presse@ird.fr
Télécharger le rapport complet des résultats des lâchers tests de 2019
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[i] Le lot de mâles sauvages provient d’œufs récoltés dans des pondoirs-pièges placés dans la zone de Duparc et mis en élevage en laboratoire jusqu’à l’âge adulte. Seuls les mâles ont été conservés et marqués à l’aide d’une poudre fluorescente rouge. Le lot de mâles stériles a été élevé au laboratoire du projet TIS. Les mâles ont été séparés pour être stérilisés par traitement aux rayons X. Ces mâles stériles ont été marqués d’une poudre fluorescente jaune.